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Stéphane Viry
Question N° 15575 au Ministère du ministère du travail


Question soumise le 20 février 2024

M. Stéphane Viry interroge Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur la pertinence des restrictions actuelles à l'exercice d'une activité en portage salarial. Ces restrictions figurent aux articles L. 1254-1 et suivants du code du travail, créés par l'ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015 relative au portage salarial, ainsi que dans la convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017 (IDCC 3219). Ce faisant, un salarié porté doit percevoir une rémunération au moins égale à 75 % de la valeur mensuelle du plafond de la sécurité sociale (L. 1254-2 II), soit 2 898 euros bruts mensuels minimum en 2024. Il ne peut également contracter qu'avec une « entreprise cliente », écartant ainsi tout client particulier, associatif ou public. La prestation d'un salarié porté dans une entreprise cliente ne peut excéder trente-six mois (L. 1254-4 II). Enfin, l'activité en portage salarial est subordonnée à une qualification professionnelle de niveau III (bac + 2) minimum ou à une expérience significative d'au moins trois ans dans le même secteur d'activité (art. 2.2 de la convention collective). Il ressort de tout ce qui précède que la moitié de la population active est exclue du portage salarial, en premier lieu faute de qualification ou rémunération suffisante. Le portage salarial a pourtant fait ses preuves, avec plus de 100 000 travailleurs recourant à ce statut d'après la FEPS, syndicat représentatif du secteur. Dans le même temps, des TPE-PME, voire des secteurs économiques entiers peinent encore à recruter, telle l'hôtellerie-restauration (200 000 postes à pourvoir en 2023 selon l'Umih), y compris de façon saisonnière. Il lui demande si elle envisage de remettre prochainement en question la pertinence des restrictions susmentionnées, à l'heure où le portage salarial pourrait être ouvert à un plus grand nombre de travailleurs afin de devenir un instrument utile en faveur du plein emploi.

Réponse émise le 14 mai 2024

Le portage salarial constitue un mode de relation de travail triangulaire entre un salarié porté, une entreprise de portage salarial et une entreprise utilisatrice. Les salariés portés doivent justifier d'une expertise, d'une qualification et d'une autonomie pour prospecter les clients et négocier les prix. Cette forme d'emploi flexible s'adresse donc à des travailleurs indépendants souhaitant effectuer des prestations auprès de clients tout en bénéficiant du statut de salarié. Il s'agit principalement de cadres (81 %), travaillant en majorité pour des bureaux d'études techniques (85 %) et disposant de leur propre clientèle. La rémunération minimale prévue par la loi, fixée à 75 % du plafond annuel de la sécurité sociale, résulte de l'équilibre qui avait été trouvé par les partenaires sociaux dans l'accord du 24 juin 2010 relatif à l'activité de portage salarial. Ce niveau de rémunération s'explique par l'exigence d'expertise et le degré d'autonomie attendus des salariés portés. En outre, ce montant revêtant un caractère supplétif, les partenaires sociaux sont déjà compétents, au titre de l'article L. 1254-2 du code du travail, pour abaisser le cas échéant la rémunération minimale par voie d'accord de branche étendue. En tout état de cause, la rémunération minimale des salariés portés prévue par la loi reste nettement inférieure au salaire brut moyen en équivalent temps plein dans le secteur privé, qui s'élevait à 3 300 euros par mois en 2020 selon l'institut national de la statistique et des études économiques. Il ne semble donc pas de nature à restreindre excessivement l'accès au portage salarial. Ensuite, aucune disposition légale ou réglementaire ne fixe de qualification professionnelle minimale pour les salariés portés. C'est l'article 2.2 de la convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017 qui impose au salarié porté de disposer au minimum d'une qualification professionnelle de niveau cinq, ou d'une expérience significative d'au moins trois ans dans le même secteur d'activité. Il appartient aux partenaires sociaux du secteur du portage, dans le cadre de la négociation de branche, de reconsidérer, s'ils le jugent opportun, l'exigence d'un niveau de qualification ou d'une expérience antérieure minimale. De manière générale, si le Gouvernement partage les objectifs de développement et de sécurisation du portage salarial, il n'est pas favorable à prévoir par la loi un élargissement du champ du portage salarial, dès lors que ce cadre juridique résulte d'un équilibre trouvé par les partenaires sociaux, négocié et adopté dans l'accord du 24 juin 2010. En l'espèce, les pistes d'évolution proposées risquent de bouleverser les équilibres du travail temporaire. Or, une évolution structurelle du cadre juridique du portage salarial ne saurait s'envisager sans concertation préalable et approfondie avec les organisations professionnelles et les organisations syndicales du secteur, auxquelles il revient de définir, le cas échéant, les nouveaux équilibres. Enfin, à la demande des organisations professionnelles représentatives du secteur, les services du ministère chargé du travail ont produit et publié un Questions/Réponses sur le site internet du ministère (Le portage salarial - ministère du travail, du plein emploi et de l'Insertion (travail-emploi.gouv.fr), visant à expliciter la réglementation applicable au portage et sécuriser les acteurs dans le recours à ce type de montage. Cette démarche pédagogique, à droit constant, permet de faciliter le recours au portage et de favoriser son développement, dans le respect du cadre juridique.

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